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La place des enfants dans la rupture du couple (2)

par | 12/09/2014 | Réflexions

A l’occasion d’un premier article publié récemment (http://t.co/kcoiBUzOjw), on a commencé à réfléchir sur l’importance de ne pas négliger l’impact sur les enfants de la séparation de leurs parents qui représente pour eux un bouleversement important de nature à impacter durablement leur existence alors qu’ils n’ont pas encore les armes nécessaires pour se protéger. Nous allons aujourd’hui nous pencher sur la délicate question de l’audition des enfants en justice, nombre de parents et d’acteurs judiciaires étant favorables à recueillir la parole des enfants pour aider à trancher les séparations conflictuelles.

Quels sont les enjeux de l’audition des enfants ?

La possibilité d’entendre un enfant dans le conflit qui oppose ses parents peut représenter à priori une avancée importante dans la reconnaissance des droits de l’enfant considéré comme un individu à part entière. Mais il faut bien avoir présent à l’esprit que l’audition de l’enfant dans un contexte de conflit familial peut présenter des risques qu’il ne faut pas sous-estimer. Il convient en la matière de trouver le juste équilibre entre la considération de l’enfant comme sujet de droit à part entière et la nécessaire protection dont il doit faire l’objet. C’est une matière sensible tant le recueil de la parole de l’enfant peut être, selon les cas, la pire ou la meilleure des solutions. Dans certains cas, la parole de l’enfant peut même constituer un piège qui se referme contre lui-même. Ainsi l’expérience montre que la prise en compte en justice de la parole de l’enfant peut créer pour lui d’avantage une source de tourment que d’apaisement. Ce droit donné à l’enfant, s’il n’est pas utilisé à bon escient, au lieu de le protéger et de l’aider à se structurer, peut bien au contraire le fragiliser ou  l’affaiblir.

Quels sont les risques de l’audition des enfants ?

D’une façon générale, le risque réside dans le fait de ne pas recueillir la parole « vraie » de l’enfant. On a tous encore en mémoire le drame de l’affaire d’Outreau en 2001. Même si le contexte est différent, l’avis de l’enfant doit être écouté avec beaucoup de circonspection car l’enfant peut sembler être sûr de lui et convaincant alors qu’il ne raconte pas la vérité. En outre, on sait que ne pas dire la vérité n’est pas forcément mentir. De même, mentir peut être une façon pour l’enfant de se protéger, plus ou moins consciemment. Ainsi, l’enfant peut préférer taire certaines choses dont il sait qu’elles sont de nature à l’éloigner d’un de ses parents ou il peut préférer ne pas tout dire pour ne pas se compliquer la vie. Il faut rester vigilent sur l’absence de maturité suffisante de l’enfant l’empêchant, par exemple, d’apporter une réponse appropriée à la question consistant à lui demander s’il préfère habiter chez son père ou chez sa mère.  Or il est extrêmement difficile pour un juge de mettre en place les précautions nécessaires pour éviter toute source de « travestissement » de la parole de l’enfant. Quoi qu’il en soit, il est primordial d’avoir à l’esprit qu’il existe un intérêt primordial pour l’enfant de continuer à avoir des relations avec ses deux parents.

Le danger le plus fréquent est le risque d’instrumentalisation de l’enfant par un de ses parents. C’est le risque de l’enfant otage du divorce de ses parents, l’enfant étant purement et simplement utilisé comme un moyen pour l’adulte de parvenir aux résultats escomptés dans le cadre de la procédure, d’autant que la tentation peut être facile dans un contexte de rupture conjugale de tenter de compenser un manque affectif par une relation exclusive avec l’enfant dans le but de plaire et de se faire aimer. L’enfant peut ainsi être confronté à un conflit de loyauté, né de l’impossibilité pour lui de choisir entre deux situations envisageables : si j’aime maman, je rejette ou fais du mal à papa et vice-versa. Cette situation est insoutenable pour un enfant puisque ses deux parents lui sont chers. Le désarroi est total, l’enfant est tiraillé, ne sachant plus ce qu’il convient de faire. L’enfant ne doit pas être mis dans une situation où il peut avoir le sentiment de trahir l’un de ses parents car il n’est pas armé pour gérer la culpabilité qui va en découler. Il faut alors l’aider à se soustraire de ce dilemme insoluble qui induit l’idée qu’aimer un parent exclut l’amour pour l’autre; l’aider à comprendre qu’ils sont complémentaires, qu’on ne trahit personne en aimant ses deux parents et qu’on abandonne pas l’un en allant retrouver l’autre.

Un autre phénomène de nature à altérer l’avis de l’enfant est le chantage affectif dont il peut être victime de la part d’un de ses parents. Il va ainsi subir la crainte de perdre le parent le plus fragile (ou qui se présente comme tel), qui le pousse à se couper de son autre parent. Généralement, le parent manipulateur, à force de mensonges et de dénigrements répétés va abimer les sentiments qu’éprouve l’enfant manipulé à l’égard du parent dénigré. Attendant de son enfant qu’il compatisse à sa propre souffrance, il va l’instrumentaliser pour assouvir un désir de revanche, voire de vengeance, sur le partenaire qui aurait trahi. L’enfant aura tendance à prendre le parti de celui qui paraît le plus faible à ses yeux.

Il est toujours difficile pour un adulte de faire la part des choses dans ce que va dire l’enfant, de discerner ce qui est vraisemblable de ce qui est le fruit d’une manipulation ou même d’un mal-être ou encore d’un manque de maturité de l’enfant qui l’empêche d’apprécier la situation de façon sereine et objective. Il revient à l’adulte qui écoute de savoir garder une autonomie de pensée, un certain recul face à ce qui est dit, de ne pas prendre les choses exprimées pour argent comptant. Ce travail de vigilance et de discernement attendu du juge lui permettra de repérer le parent manipulateur et culpabilisant, le beau parleur qui sait convaincre de la véracité de ses dires face à un conjoint qui ne parviendra à se défendre contre les arguments mensongers si bien présentés. Pour cette raison, il est recommandé d’utiliser l’audition de l’enfant à bon escient, sans jamais lui donner une place prépondérante dans le faisceau d’éléments sur lesquels se fonde le juge pour arrêter sa décision. Un prochain article nous donnera l’occasion d’aborder les éléments plus psychologiques du trouble causé chez l’enfant par la rupture amoureuse de ses parents.

 

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