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Comptes de partage, rien ne va plus!

par | 11/08/2014 | Juridique

La séparation d’un couple qui est propriétaire donne lieu à de nombreux règlements, notamment pécuniaires qui peuvent donner lieu à l’établissement de véritables comptes de partage d’apothicaire. Nous avons déjà évoqué la question en précisant que ces règlements dépendaient essentiellement du type de conjugalité dans lequel on avait placé son couple, du simple concubinage, au mariage en passant par le PACS. Historiquement, les choses étaient simples : plus l’union était formalisée, plus la législation encadrait votre situation. Au moment de la séparation, le raisonnement était le suivant : pour les personnes non mariées ou mariées sous le régime de la séparation de biens, la liquidation de leurs droits consistait peu ou prou à compter chaque denier investi tandis que la base des règles de partage sous le régime de la communauté (personnes mariées sans contrat de mariage) était la mise en commun des apports respectifs. Ces principes, relativement fixes dans leur application, connaissent depuis quelques temps des tempéraments de plus en plus nombreux et dans des domaines de plus en plus vastes, à tel point que l’établissement des comptes de partage donnent désormais lieu à des surprises dans quasiment tous les régimes. Nous analyserons avec des exemples précis l’étendue de cette petite révolution, régime par régime.

Les surprises des comptes de partage sous le régime de la communauté de biens

Arrêt de la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation rendu le 29 Mai 2013 : Alors que le principe fondateur de ce régime est la mise en commun, la force de travail d’un époux ne sera pas prise en compte si elle est investie dans un bien immobilier figurant dans le patrimoine propre de son conjoint (qu’il en soit propriétaire avant son mariage ou qu’il l’ait reçu par donation ou succession pendant le mariage). En effet,  la Cour de cassation limite le droit à créance aux cas de mouvement de fonds entre le patrimoine propre de l’un des époux et le patrimoine de la communauté (désigné sous le vocable évocateur de « récompense » par le code civil), faisant bien peu de cas du temps et des efforts investis en main d’œuvre par le conjoint impécunieux.

Les surprises des comptes de partage sous le régime de la séparation de biens

Dans ce régime, point de communauté, les patrimoines sont séparés, chaque époux a le sien. Le principe est le « chacun pour soi », l’exception la mise en commun (l’indivision) et dans ce cas, on va en principe regarder le moindre denier investi par chacun pour faire les comptes de partage. C’était sans compter l’évolution de la jurisprudence relative à la notion extensive de charges du mariage.

Première incursion au sujet de la résidence principale : Le 25 Septembre 2013, la première Chambre civile de la Cour de cassation refuse à l’époux séparé de biens, qui avait financé au moyen de ses revenus personnels l’intégralité d’un bien immobilier destiné à être le logement de la famille, le droit de revendiquer une créance contre son épouse qui avait recueilli la moitié du prix de vente du logement familial sans avoir payé un centime du fait que les époux avaient déclaré dans l’acte notarié avoir acquis le bien à concurrence de moitié indivise chacun. Dans son contrat de mariage figurait une clause habituelle à ce type de contrat en vertu de laquelle les époux contribueraient aux charges du mariage dans la proportion de leurs facultés respectives et que chacun d’eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive en sorte qu’aucun compte ne serait fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auraient pas de recours l’un contre l’autre …

Seconde incursion au sujet de la résidence secondaire : Le 18 décembre 2013, la première Chambre civile de la Cour de cassation décide que la contribution aux charges du mariage peut inclure des dépenses d’investissement ayant pour objet l’agrément et les loisirs du ménage. Concrètement, le mari n’a pu faire valoir une créance à l’encontre de son épouse pour avoir payé au delà de sa quotte-part indivise de moitié. Conclusion : lorsqu’un époux doté de hauts revenus finance seul la résidence secondaire, il ne fait que contribuer aux charges du mariage comme celui qui finance le logement de la famille.

Il ne reste guère plus que le domaine des investissements immobiliers où l’époux pourra faire valoir son excèdent de contribution sans se faire opposer la contribution aux charges du mariage.

Les surprises des comptes de partage hors mariage, sous le régime du concubinage

La première chambre civile de la Cour de cassation est allée encore plus loin à l’occasion d’un arrêt rendu le 2 avril 2014, au sujet de personnes… non mariées! Il était effectivement question de concubins ayant acquis ensemble un bien immobilier à l’aide d’un prêt remboursé par l’un seulement d’entre eux. En l’espèce, il n’était pas question d’aller sur le terrain de la contribution aux charges du mariage, puisqu’ils n’étaient pas mariés. Qu’à cela ne tienne, les juges ont tiré argument de l’impossibilité matérielle de la femme de payer sa quotte-part dès l’acquisition du bien, pour en déduire dans l’esprit de son concubin une intention libérale, l’empêchant de lui réclamer après coup ce qu’il avait financé pour elle.

Quid du régime du PACS ?

A notre connaissance, il n’existe pas (encore ?) de jurisprudence analogue en matière de PACS. Néanmoins, l’article 515-4 du Code Civil dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproque ». Certains y voient déjà l’ébauche d’une contribution aux charges du PACS, dans la continuité de la notion de charges du ménage s’appliquant aux personnes mariées, en vertu de l’article 220 du code civil.

La séparation d’un couple est difficile car elle met en jeu des règles juridiques dont l’application est souvent source de surprises (bonnes pour l’un, mauvaises pour l’autre). D’où l’intérêt de ne pas sous-estimer l’aspect plus psychologique de la rupture. Une séparation de couple met de toute façon en jeu tant des aspects juridiques qu’émotionnels et la surprise résultant de l’application inattendue des règles de droit ne rend les choses que plus compliquées à vivre…psychologiquement.

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